[Littérature] L'écriture automatique : une arnaque ?
24 avril 04 00h23
Zarno

"... L'expérience décisive de l'écriture automatique, initiée dès 1919 par Breton et Soupault dans Les Champs magnétiques, repose en principe sur l'effacement de la personnalité consciente des auteurs, devenus les simples vecteurs d'une parole et d'une pensée impersonnelles ; il en va un peu autrement dans la pratique, comme le montrent les manuscrits, où les écritures respectives des deux poètes restent bien distinctes et ne sont pas exemptes de ratures. Et les plus belles pages de l'ouvrage donnent à entendre le ton inimitable d'une voix qui n'est pas celle "de personne" non plus que le murmure anonyme de la langue.L'inconscient qui s'y exprime reste individuel, façonné par une préhistoire et une histoire personnelles autant que collectives. Et c'est lorsque l'écrivain s'absente pour se faire simple scribe que la singularité de l'image créatrice disparaît au profit de l'enchaînement mécanique des stéréotypes qui hantent la mémoire linguistique et culturelle de tout un chacun, et qui remplissent trop de pages d'inspiration surréaliste. Lorsque, dans le manifeste de 1924, Breton corrige la définition reverdienne de l'image, qu'il cite pourtant avec révérence, en substituant aux "rapports lointains mais justes" des termes qu'elle rapproche, "le degré d'arbitraire le plus élevé", il prive la poésie de son seul critère de vérité, qui réside dans un accord imprévisible mais indéniable entre l'imaginaire et le réel. Il ne se rendait sûrement pas compte alors qu'il autorisait ainsi les plus médiocres à parer n'importe quoi du titre de poème. Si la poésie doit être faite par tous et non par un, selon le mot de Lautréamont, encore fait-il que chacun y mette du sien, en travaillant l'héritage collectif pour y apporter la touche singulière qui le renouvellera." (...)
Michel Collot (Introduction à la poésie du XXe siècle). Pléiade.
"Le manuscrit de travail des Champs magnétiques soulève un paradoxe : l'écriture automatique de huit textes constituant ce recueil ne se fait pas de façon spontanée, ponctuelle et linéaire; en témoigne la présence étonnante de ratures, de biffures, d'ajouts et de déplacements. Ces différentes variantes sont de la main de Breton. Ainsi Breton relit ce qui a été rédigé, il juge, il modifie ses textes et ceux de Soupault."
70ème congrès de l'ACFAS. Session C-302 Archive et fabrique du texte littéraire.
"Officiellement", le mot "surrealisme" apparait pour la premiere fois dans un texte d'Apollinaire, mais sa plus ancienne occurrence connue se rencontre dans les brouillons de Marcel Proust.
Pour l'ecriture automatique, les surrealistes n'ont fait que tricher. De purs ecrits automatiques n'arrivent jamais a un resultat satisfaisant. Deja, il y a toutes les tricheries preparees a l'avance. On ecrit du par coeur en ecriture automatique. Quels gamins ces surrealistes.
La seconde tricherie est aussi lourde, et en meme temps plus interessante pour jeter le discredit sur l'ecriture automatique pratiquee par les surrealistes.
L'ecriture automatique est pour empecher le controle de la raison sur la creation. Mais, meme si les compositions sont menees sincerement, si on fait le choix de ce qui est bon a publier ou pas, on se retrouve dans la situation du poete qui choisit d'ecrire de telle facon plutot que de telle autre, qui choisit d'ecrire ceci, plutot que cela.
Pas tres coherent comme tactique.
Enfin, sans compter que le privilege accorde a l'irrationnel a tue le genie poetique parmi les amateurs de poesie, a tue le sens et le gout de la poesie chez quantite de personnes, il reste que meme dans l'ecriture automatique le controle de la raison demeure un tant soit peu present. Mais bon, si certains veulent debattre de l'interet qu'il y a a ecrire des poemes plus ou moins en un langage coherent (francais ou meme rencontres de langues), plus ou moins charges de sens, plus ou moins irrationnel, si certains croient pouvoir definir une frontiere entre le bon gout irrationnel et le poeme qui a un sens trop precis, grand bien leur fasse. Mais, une chose reste, la gageure du defi poetique.
Ce que voulait Flaubert ce n'est pas seulement ecrire sur rien a travers une forme qui soit jolie. Il voulait ecrire une esthetique du rien qui ait une portee.
Rimbaud et Lautreamont sont difficiles a comprendre, d'autres encore, mais on les lit sans douter qu'ils nous disent quelque chose qui les engagent. A cote d'eux les surrealistes sont superficiels. Une poesie superficielle qui n'est meme pas un chef-d'oeuvre d'harmonie sur une planete quelconque de l'esthetique, je ne trouve pas ca tres gratifiant, ni tres excitant.
24 avril 04 00h33
isis
Merci de cette leçon...qui répond étrangement à certaines questions.
Une autre voie alors, peut-être...ça vaut mieux pour moi je crois...
24 avril 04 00h44
Yves-49
ZARNO :
Plutôt que par des références livresques, il aurait été, me semble-t'il, préférable d'alimenter le débat par une réflexion plus personnelle sur "l'écriture automatique"...

24 avril 04 00h45
Zarno
Yves, c'est ce que j'ai fais dans la dernière partie, celle qui n'est pas en citation

24 avril 04 00h47
isis
Il semblerait que Zarno présente ses idées dans la dernière partie...non?
24 avril 04 00h50
Yves-49
ZARNO :
Et pourquoi n'as-tu pas mis d'accents ? N'est-ce pas un "copier-coller" en provenance d'un site Internet ?..

24 avril 04 00h52
Zarno
En provenance d'un autre forum parlant de ce sujet où le débat a été lancé. Il s'agit là d'une synthèse de la pensée du sujet en question auquel j'adhère complètement.
24 avril 04 00h55
Yves-49
ZARNO :
Ce n'était donc pas vraiment ton avis personnel : j'avais raison...

24 avril 04 00h59
vigi
Et bien, que de bavardage, mais passons au vif du sujet, je veux en savoir plus !!!!!
Défendez donc vos idées, débattez

(personnellement mon inculture ne me permet pas d'apporter de l'eau à ce moulin commun

)
24 avril 04 01h01
Zarno
Oui, je ne suis pas théoricien (la personne qui a écrit cette dernière partie non plus

), mais adhérant à cette réflexion, et n'était pas tirée d'un ouvrage pompeux et poussiérieux d'histoire littéraire, je l'ai mise ainsi comme se rapprochant le plus de ce que j'aurais dis si l'idée farfelue m'était venue d'aller oser m'exprimer complètement et ouvertement sur des auteurs dont le seul nom m'impose le respect.
Et puis gnagnagnagna

24 avril 04 01h15
Yves-49
ZARNO :
"gnagnagnagna"... J'y trouve bien plus de poésie que dans certains autres écrits...

24 avril 04 01h20
Zarno
lol certaines onomatopées en disent long

Bon sinon, on s'écarte sérieusement du sujet !
Bref, que pensez vous de l'écriture automatique, du moins au sens académique du terme, pour le moment ?
24 avril 04 01h24
isis
Je me suis longtemps interressée à la peinture surréaliste...Dali...mon poète...
Mais l'écriture automatique, dans ce cas de figure, reste un domaine inexploré et plein d'interrogations pour moi...
Donc je laisserai les autres s'exprimer sur le sujet, pour le moment tout du moins.
24 avril 04 01h28
Zarno
Il y a aussi l'écriture automatique moins académique (ce qui d'ailleurs est un comble : codifier, réglementer et délimiter ce qui doit avant tout être la liberté de l'inconscient).
Il y a notamment celle utilisée dans les millieux spirits, où des médiums se laissent guider par les âmes des défunts, où ils ne sont que le support d'une entité spirituelle autre (enfin ça, ça reste à vérifier).
Et puis il y a tout simplement le choix de fermer les yeux et de laisser glisser sa plume au fur et à mesure que les pensées viennent, qu'elles soient cohérentes ou non.
24 avril 04 01h35
isis
En fermant les yeux.....mmmmmmmmmmmmm.....et on finit..........en écrivant sur la table... LOL
24 avril 04 01h39
Zarno
LOL !
Avec un peu d'entraînement, on peut le faire au clavier de l'ordi.
Moi c'est ainsi que j'écris : dans le noir, avec une musique ou un air en fond qui souvent en fait, me donne le rythme, donc de préférence quelque chose de doux, et puis parfois, je laisse couler les larmes (quand elles ne sont pas l'origine de l'écriture) quelques minutes avant de commencer à écrire. Et toujours, les yeux fermés, j'entame l'écriture.
24 avril 04 01h41
Yves-49
Si l'on considère que la poésie scande une musique des mots et des images, l'écriture automatique n'est pas une "pratique" poétique. Je crois d'ailleurs que les surréalistes ne l'ont jamais considérée comme telle, mais comme l'expression de l'inconscient. Cependant, comme je le disais dans la rubrique "Vos poèmes", à force d'écrire selon cette technique, on finit par "tourner en rond" et à bredouiller toujours les mêmes mots...
24 avril 04 01h43
Zarno
Oui, exact Yves, d'ailleurs, au fond, je me demande son intéret...
Qu'est ce qui prouve que ces incohérences de mots sont réellement l'oeuvre du subconcient ?
Et si ces écrits n'ont aucune musique ou image, s'ils ne sont que des rebuts d'idée sans but et ne s'associant même pas, quelle est réellement la valeur littéraire de l'écriture automatique, sinon un trip expérimentale de gens qui s'ennuient lol ?
24 avril 04 01h47
Yves-49
ZARNO :
Je partage aussi ton avis...
24 avril 04 01h49
Zarno
Comme quoi j'ai bien fais de le mettre mon avis personnel finalement

24 avril 04 01h50
isis
lol