06 févr. 05 01h54
Il y avait déjà un sujet sur ce thème, mais je ne le trouve plus...
CELLULES
Au fond de ma cellule, assis dans la pénombre, les pensées me submergent.
Je n’ai rien à faire ici, je leur ai dit ; j’ai crié mon innocence, maint fois dépassé mon audace pour hurler cette indécence. Le crime que je n’ai pas commis restera impuni…mais ça…ils ne le savent pas, et n’ont jamais cherché à savoir.
Je reste victime de l’injustice des hommes, d’un seul homme si on y réfléchit bien…je n’arrive même pas à lui en vouloir .Ca aurait pu être sa fille…bien sur…mais ça aurait pu être ma vie aussi. Celle que je forgeais, celle de mes désirs, de mes rêves et de mes projets…Elle est ici elle aussi, avec moi, dans la pénombre, et elle aussi tout doucement elle sombre.
Je ne me pose plus de questions, je n’en ai plus la force.
J’ai passé deux jours à en faire le tour. J’ai caressé les pierres humides qui m’entourent. Elles sont marbrées de fines crevasses mélangées, certainement ridées par le temps, je n’y vois rien, il fait trop noir. Ah si...je devine quelques mots : A Judith pour la vie…Allez vous faire foutre...Aidez-moi...Je sais que même s’ils me font sourire aujourd’hui, un jour j’y accolerai les miens aussi, mais pour le moment je n’ai pas vraiment envie d’écrire, ni d’idées finalement...
Je me suis rassis, et j’ai réfléchis. Mais bordel !!! Qu’est ce que je foutais là ce soir là ! Pourquoi je suis pas allé voir Mathilde comme prévu. Et ce détour que j’aurai pu éviter aussi...ce qui m’aurait permis de contourner sans le savoir ce corps inerte et sans vie, ce corps déjà glacé de frayeur et de meurtrissures...Pourquoi l’a-je prise dans mes bras ? Pourquoi l’ai-je serrée contre moi ? Je suis coupable oui...coupable d’un non détour...coupable d’infidélité...Mathilde, c’est toi que j’aurai dû avoir contre moi ce soir là, dans mes bras...
Je creuserai un trou...de toute façon je m’en fous...je le ferai...je reprendrai cette liberté que vous m’avez violée...
Promenade dans la cour ce matin...premier jour d’oxygène depuis que je suis arrivé ici. J’ai croisé des visages, des ombres somnambules et désespérées...désespérantes. Je n’ai croisé aucun regard. Ils ne croient plus en rien. Ils avaient l’air paisible, si paisible qu’ils donnaient envie de les frapper. Petites bulles de rien, ils sont déjà morts. Atomes perdus dans cet espace décousu...Petites cellules de rien qui se cognent mais s’ignorent. Et notre écho tourne, tourne à en perdre la raison...Je vais devenir fou... Mais je creuserai mon trou...de toute façon je m’en fous...
J’ai tout perdu...A trop croire en mon destin j’ai tout perdu...Je t’ai perdue...et le petit que lui diras-tu ? Papa-prison...Papa-poison…Papa-poisson...Je fais des bulles, à mon tour remplis l’espace du vain recul de ma conscience...Je ne me souviens plus très bien finalement...Que faisait-elle dans mes bras ce soir là ? J’étais déjà passé par là, je n’ai pas fait de grand détour à bien y réfléchir...et puis ce grand trou noir...je me suis réveillé contre elle sur le trottoir glacial et témoin de mon histoire. Je ne me souviens plus très bien…
Extinction des feux...Et merde...je ne vois plus rien...Je trouve mon lit, à tâtons ou par miracle. Je vais peut être enfin réussir à dormir. Le couloir s’emplit de gémissements et de pleures pitoyables. J’entends le craquement des chaussures du surveillant, il s’éloigne visiblement...pour ne plus revenir...Ca sent le moisi, ça pu la mort…Je me demande s’il ramène cette odeur avec lui, chez lui, le maton…
Je ne me souviens de rien... Mais je m’en fous…de toute façon je creuserai un trou…Ou retrouverai peut être celui de ma mémoire…
Je caresse mon visage, écorche l’empreinte de mes souvenirs...Mon fils doit dormir à cette heure, lui aussi...Je pleure…en essuyant mes larmes je me rends compte que mes mains sont dégueulasses...Je ne supporte pas de me coucher avec les mains dégueulasses...mes ongles sont noirs...non rouges...bizarre...
Je me lève à la recherche de l’évier...Il faut que je me décrasse... Je ne peux pas dormir comme ça...Je parcours la cellule en cherchant le mur. Je commence à le connaître par cœur, tous ses dédales, ses crevasses, ses écritures…Tiens ! Mais je la découvre celle là...Elle n’y était pas tout à l’heure...Je creuse un peu l’argile de mes doigts coagulés et découvre ces quelques lettres : COUPABLE.........
Isis
*** 06 févr. 05 01h59 : message édité par isis ***